jeudi 8 octobre 2009

mourir pour la société, d'accord mais de mort lente

La mort sera le sujet de ce billet. Non pas la mort de ce blog, puisque ma transition de chômeur IRL me permet de reprendre du service par ici. Non, la mort c'est le sujet bien pesant de cette nouvelle série de Motorô Mase chez Azuka : Ikigami.


Entre Jeux Vidéo et Manga on peut dire que du mort, du cadavre, de l'exécution, du gore, du mort-vivant, ... sans vouloir paraitre nécrophile, on en a bouffé! Beaucoup crient à la banalisation, alors que les morts dans les jeux ne sont que le prolongement ludique de nos cow-boys Vs Indiens de notre enfance (enfin la mienne). "Pan t'es mort! J'ai gagné, t'as perdu". Dans le manga, comme au cinéma et tout sujet narratif, la mort sert souvent de ressort dramatique plus ou moins facile. Tout dépend de qui vous décidez de tuer dans votre récit. Ah Ah, la toute puissance du scénariste quand il n'a plus d'idées, que le perso deviens impopulaire ou que l'acteur de la série s'est fait viré. Et ces morts qui servent au climax, à l'ambiance. Tous ces hommes de mains dégommés, tous ces sidekick sacrifiés qui révèlent la toute puissance du héros, est-ce que les acteurs noirs meurt en premier?

Mais le manga dont il est question aujourd'hui parle de la mort, la vrai! celle qui angoisse, celle qui fait peur, celle qui m'a empêché de dormir 1 mois à l'age de 6 ans quand j'ai réalisé ma frêle existence. Laissez moi donc vous narrer le pitch à base de 4ème de couverture :
"dans notre pays, une loi entend assurer la prospérité de la nation en rappelant à tous la valeur de la vie. Pour ce faire, un jeune sur mille entre 18 et 24 ans est arbitrairement condamné à mort par micro-capsule injectée lors de son entrée à l'école.
Lorsque l'on reçoit l'Ikigami, c'est qu'il ne vous reste plus que 24 heures à vivre. Mais à quoi passer cette dernière journée, lorsqu'on n'a pas eu le temps de faire sa vie?"

Sympa hein? Et oui, tout au long de ce manga on suit les dernières 24 heures de jeunes condamnés au hasard. Les histoires narrées sont souvent poignantes mais pas si désespérées, parfois cyniques et rageuses. Ce principe épisodique est assez agréable à lire et prend le temps de se poser sur la psychologie du malheureux condamné. Mais surtout, il permet d'y aller à petites doses. Car, à parler de la mort aussi frontalement, l'homme de peu foi que suis ressent un brin de malaise. Je ne sais pas vraiment quel est le rapport à la mort au Japon, mais je pense qu'ils n'ont pas autant de tabous que notre Europe de culs bénis. Chez nous c'est retenue, silence et compassion. On expose pas trop le cadavre sauf si l'on peut le rendre bien présentable, les cimetières sont bien cachés des regards, incinérer le défunt, c'est pas très catho et parler de la mort au môme c'est le bout du monde. Sur tous ces aspects les japonais m'ont l'air plus détendus. Les dernier manga à traiter ce thème aussi violemment (c'est pas peu de le dire) sont les oeuvres de Hideki Arai que j'essaierai de vous présenter bientôt.


Mais au-delà du traitement de sujet plutôt original l'autre intérêt de cette oeuvre est évidemment la critique sociale qu'elle énonce tout du long. Car si à la lecture du pitch vous avez trouvé abordable cette idée de société, c'est que vous êtes sérieusement un connard. On en revient à cette question dont l'application diffuse mais constante fait froid dans le dos : quel sacrifice éthique sommes nous prêt à accepter sans broncher au nom du bon fonctionnement de notre société ? Si l'histoire nous a déjà montrer le summum de l'horreur sur cette question, je suis toujours impressionné par la capacité des dirigeants à tout justifier en cas de crise : crise économique, attentats (ai-je besoin d'illustrer...), virus, gauche au pouvoir (je veux dire par là que la droite s'est bien goinfrée sur la flexibilité),... Mais, alors que les œuvres de fictions tendent à transposer cette satire sociale dans un univers fictif, ce manga joue la carte du réalisme bien contemporain. La société présentée reflète parfaitement le japon d'aujourd'hui. L'auteur nous décrit, avec un réalisme saisissant, une machine administrative bien huilée, massive et imperturbable dans son bon droit à écraser toute revendication individuelle d'une société qui a depuis longtemps rendue les armes. Le héros, car il y en a un, est justement un petit pion de cette machine, un bon bureaucrate bien apathique qui essaye d'être consciencieux dans la délivrance de ces avis de mort. Son détachement face à sa mission, si bien ancrée dans les mœurs, fait froid dans le dos. Mais tout change toujours plus vite qu'une administration et ce thriller en pente douce laisse présager une intrigue bien amenée sur une certaine prise de conscience.

Au final, c'est une vrai bonne découverte, le dessin est agréable et expressif avec quelques belle envolées pleines pages. Les éditions asuka assure toujours du bon travail pour une édition tout de même 8€. Nous en sommes à 4 volumes en France pour 7 au Japon. Bonne lecture et n'oubliez pas de vous faire vacciner pour la grippe A hein?



1 commentaire:

  1. Ca donne même envie à un gros novice comme moi.. Félicitations pour l'écriture, le style et puis pour la découverte..
    a plus
    manu

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